Concours du 8 mars: Les valeurs changent et les jugements qui vont avec aussi!

Deux femmes se rencontrent un vendredi matin. L’une a 30 ans, l’autre a le double de son âge. Tout en discutant, elles prennent conscience de la façon dont le temps a transformé le regard qu’elles portent sur la réalité et, en particulier, la condition des femmes. Elles découvrent avec étonnement, alors qu’elles se croyaient sur une même longueur d’onde, que les valeurs qui les habitent jouent un rôle important dans le jugement qu’elles porteront sur des événements ou sur des objets de culture tel un film. En effet, c’est en évoquant un film, La leçon de piano de Jane Campion, que l’une a vu tout dernièrement et l’autre à sa sortie qu’elles réalisèrent la distance qui les séparait.

 

Les consignes du concours

Nous retranscrivons ici, de mémoire, la teneur de leurs propos et nous vous invitons, chers membres du SEECR, à participer  au concours suivant : quel est l’âge de la femme qui a écrit le premier texte et celui de celle qui a écrit le deuxième texte? Envoyez-moi votre réponse par courriel (seecr@cegep-rimouski.qc.ca) ou par téléphone (poste 2176).

Ce que vous gagnerez? Une main d’applaudissement et une magnifique épinglette du 8 mars.

 

Premier texte 

C’est l’histoire d’une femme muette du XIXe siècle, complètement coincée dans les codes sociaux d’une société anglaise patriarcale. Ada porte corset, robe droite et étouffante alors qu’elle vit depuis peu en Nouvelle-Zélande, pays chaud et humide. Elle est mariée à un pasteur anglican encore plus coincé qu’elle et a une petite fille, Flora, pas encore dressée, pas encore domptée, plus proche de la nature que de la culture. Le seul espace de respiration d’Ada : son piano dont elle se retrouve dramatiquement séparée au début du film. Elle va rencontrer un homme, Baines, plus sauvage que civilisé, près de son corps et de sa sexualité. Par le biais du piano, dont il a la garde, il va amener peu à peu cette femme à se libérer des carcans qui l’emprisonnent. Petit à petit, il l’aide à redevenir un être vivant, à se défaire de sa robe, de son corset qui l’étouffent, de son mari à côté de qui elle meurt. Au fur et à mesure, la mère et la fille se rejoignent dans ce nouvel espace de liberté que Baines leur offre, loin des codes d’une société religieuse, étriquée et violemment patriarcale qui transforme le corps en foyer de pure abomination. Guidée vers elle-même par cet homme étrange et fascinant, la femme va payer cher le prix de sa quête, mais elle finira épanouie et radieuse, égale enfin à son enfant.

 

Deuxième texte 

Ada est une femme isolée par son mutisme. Seule sa fille, Flora, peut la comprendre. Elles sont larguées sur la plage d’une île chaude et humide, elles, leurs bagages et l’amour de la vie d’Ada, son piano. L’homme que le père d’Ada l’a contrainte à marier, Alistair Stewart, vient les chercher à leur arrivée, mais il refusera de transporter le piano. Ainsi, majestueux, l’instrument trônera sur la plage plusieurs jours. Le piano d’Ada étant son unique moyen d’expression avec le monde extérieur, elle devra faire la route régulièrement jusqu’à la plage pour en jouer. Pendant ce temps, Baines, un homme blanc ayant adopté la culture maorie, observera Ada dans ses allers et retours entre la maison et la plage. Baines, voyeur et fasciné par Ada, fera transporter le piano jusqu’à chez lui.

Jouer du piano est vital pour Ada. Baines, un bel homme, un manipulateur, contraindra donc Ada à se rendre quotidiennement chez lui pour avoir le droit d’en jouer. L’homme amorcera ainsi un petit jeu cruel: si elle veut jouer, elle devra se soumettre à jouer du piano pour lui, à se dévêtir, à se laisser toucher, à accepter d’être manipulée. Peu à peu, Ada se soumettra au jeu de Baines, à ses désirs. Au fil des rencontres, elle finira, elle aussi, par s'attacher à lui et en tombera amoureuse. 

Pour moi, La leçon de piano incarne la culture du viol. C’est l’histoire d’une femme manipulée qui tombe amoureuse de son agresseur. Pourtant, l’oeuvre de Jane Campion semble nous faire miroiter que c’est bien cet homme, le gentil Baines, qui libère Ada de son carcan, de sa prison intérieure, elle se libère à un point tel qu’elle retrouvera l’usage de la parole! Pffff….

 

Épilogue

Après cette discussion, les deux femmes déclarèrent que le récit de l’autre ouvrait des espaces de réflexion auxquels elles n’avaient pas pensé. La conclusion de leur rencontre fut la suivante : l’addition des points de vue enrichit notre rapport au monde. Ne pas penser de la même manière est une chance dont il faut se saisir pour augmenter notre compréhension des phénomènes qui nous entourent et l’outil le plus efficace pour y arriver est le dialogue. Les deux femmes imaginèrent alors ce que serait leur société s’il existait des espaces de dialogue dans lesquels les Québécoises et les Québécois pouvaient enfin mettre en commun leurs réflexions, au lieu de se dresser, opinions des uns contre opinions des autres, dans un affrontement de sourds.