Hommage à Louiselle Rioux

Patricia Posadas, enseignante de Français à la retraite

Une entrée fracassante

En 1987, le Syndicat des professeurs du Cégep de Rimouski (oui oui, on s’appelait comme ça à l’époque) a engagé une toute petite bonne femme, haute comme trois pommes, menue et délicate, afin qu’elle s’occupe de la paperasse assez conséquente qui est celle d’un syndicat hyper actif. 

Au premier jour de son emploi, Louiselle Rioux qui, à l’époque, habitait à Saint-En-Arrière, fit une embardée sur la route et son auto se renversa dans le fossé. Louiselle s’en sortit quasi indemne, pas l’auto. Cela ne l’empêcha pas de se présenter au travail. Elle fut sommée d’aller à l’hôpital et de prendre soin d’elle. On lui signifia qu’on l’attendrait. Elle venait de faire sa marque au syndicat. Louiselle incarne l’idée même du devoir. 

Louiselle et le syndicalisme

Elle connaissait peu les syndicats et le syndicalisme, bien qu’elle ait eu une brève expérience de travail dans une centrale syndicale (un de ses atouts qui motiva son engagement, une telle expérience étant rarissime), mais très vite, elle vit dans le syndicat une expression de la dénonciation des injustices dont elle avait pu être témoin au cours de sa jeune existence et qu’elle avait notées quelque part dans sa mémoire si bien organisée. Elle prit donc très au sérieux son travail qui devint presque une mission. Elle a été de tous les piquetages auxquels elle « traînait » ses enfants, au grand dam de ces derniers. Et nous l’avons souvent entendu tenir des discours militants pleins de ferveur.

Louiselle et les élues et élus du SEECR

Notre syndicat possède une particularité fort intéressante, mais très exigeante : le mandat des personnes élues est limité à trois ans. La raison d’être de ce fonctionnement est d’éviter ce que d’aucuns appellent la « sénatorisation » des représentants (ce fut longtemps au masculin uniquement) des membres. En effet, dans certains syndicats, les mêmes élus sont en place depuis dix, vingt, voire trente ans. Personne n’ose se présenter contre eux tant la marche semble haute. Ces élus « sénatorisés » connaissent, certes, la convention par cœur (quoique…), détiennent donc l’information (et, par le fait même, le pouvoir), mais oublient peu à peu la réalité des profs, telle qu’elle fut, telle qu’elle est, telle qu’elle évolue. Notre règle interne nous oblige donc à varier les représentantes et les représentants afin que ces derniers n’oublient jamais qui ils représentent. Cela implique, pour l’adjointe administratrice d’aider et d’outiller toutes les nouvelles venues et tous les nouveaux venus, qu’il s’agisse d’une nouvelle personne à la coordination ou à l’application de la convention collective. J’aurais aimé faire le compte des personnes qui ont été élues au syndicat et formées à leur fonction, en grande partie par Louiselle, mais nous pouvons estimer qu’il s’agit de plus d’une centaine. Par le fait même, Louiselle est devenue la gardienne des pratiques et des connaissances locales. Son cerveau est devenu le centre nerveux de nos archives. 

Il lui aura fallu beaucoup de patience pour être à l’écoute de toutes les personnes qui ont fait appel à elle. Tandis qu’elle transcrivait un compte rendu ou classait des dossiers, préparait la paperasse pour une assemblée, elle devait aussi accueillir des membres inquiets qu’elle mettait en contact avec la bonne officière ou le bon officier syndical, répondre aux demandes des officières et des officiers1 : Louiselle, sais-tu où est tel dossier? Qu’est-ce qu’on a fait l’année dernière pour le 6 décembre, pour le 8 mars? Louiselle, à qui je dois m’adresser à la centrale syndicale pour avoir telle info? etc., etc.

Louiselle, la féministe 

Et puisqu’il est question du 8 mars, il faut aussi évoquer son engagement féministe. Pendant des années et des années, elle a pris part avec ferveur à l’organisation conjointe de la Journée internationale des femmes. En effet, chaque année, tous les syndicats du cégep œuvrent ensemble pour offrir le repas traditionnel et la bourse Germaine-Santerre afin de souligner l’apport des femmes au monde et revendiquer une place plus équitable dans le monde du travail, d’une part, et dans la société, d’autre part. D’ailleurs, cette cause est la cause principale de Louiselle : la justice et l’équité pour les femmes, oui, mais aussi pour tout le monde. Ces deux concepts sont les axes de pensée de Louiselle Rioux. 

Louiselle s’en va…

Les années ont passé, si vite quand on y pense, et Louiselle a décidé de tenter de nouvelles expériences, ailleurs. Forte de son engagement, de son intelligence et de sa force de travail, nous le savons, nous qui la connaissons, elle va aller révolutionner un autre coin de pays. Attachez bien vos tuques, Louiselle la déterminée, la travaillante, la justicière arrive!

Très chère Louiselle, nous te souhaitons de nouvelles expériences enrichissantes qui te permettront d’aller encore plus loin dans ta quête de justice et d’équité. Nous te remercions du plus profond de nos cœurs pour le travail accompli, pour ton dévouement incessant, pour ta droiture et, surtout, pour ta patience.

Merci, chère petite grande dame.

Bonne route et, surtout, reviens nous faire coucou, un de ces quatre, que l’on puisse remuer la belle salade de fruits de nos souvenirs épars. Tu fais partie de l’ADN du SEECR, ne l’oublie jamais.

Amitié et reconnaissance,

Patricia

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Note

  1. Vous trouvez que l’utilisation des formes féminines et des formes masculines alourdit le texte? Eh bien, Louiselle y tenait mordicus. Voyez là l’un de ses nombreux héritages que nous nous assurerons de préserver.