Peut-être que demain, ça ira mieux, mais aujourd’hui…

Marie-Josée Boudreau, responsable de la coordination et des pratiques syndicales

J’ai bien dû recommencer cet article une dizaine de fois. Je ne trouvais pas les mots justes et le cours rapide des événements rendait l’exercice périlleux et me donnait la nette impression du Jour de la marmotte, blagues désopilantes et Bill Murray en moins (découragement et problèmes d’approvisionnement de lingettes en plus).

L’équilibre précaire et le moindre mal

Depuis le début du trimestre, nous nous sommes vus souvent. Assemblées régulières ou extraordinaires et conseil syndical nous ont donné l’occasion de sentir le pouls de votre rentrée, de notre rentrée et de constater les  nombreux problèmes générés par cette rentrée où le Collège n’est pas arrivé prêt, malgré tout ce qu’on pourra en dire pour rassurer la population. L’alourdissement de la tâche est notable et nos deux responsables de l’application de la convention collective vous en dressent un portrait détaillé un peu plus loin.

Pourtant, nous travaillons d’arrache-pied en collaboration avec la Direction afin de trouver des solutions aux différents problèmes posés. Les comités se multiplient et je vous avoue que ma vie syndicale ressemble de plus en plus à une longue série de réunions Zoom. De la désinfection des brosses à tableau aux méthodes pour prévenir le plagiat en formation à distance (FAD), en passant par des simulations d’une charge individuelle (CI) bonifiée pour la FAD, nous sommes de toutes les discussions. J’en profite pour saluer la collaboration de plusieurs membres de la Direction qui montrent une réelle ouverture et prennent le temps de nous écouter. Pour certains, heureusement plus rares, nous semblons être un mal nécessaire qui irrite. Nous en avons vu d’autres et tout cela ne nous arrêtera pas de défendre vos droits et de tout faire pour que la situation vécue en août 2020 ne se reproduise pas.

Sentons-nous que les choses avancent? Soyons honnêtes. Cela varie. Les problèmes plus faciles à régler trouvent aisément leur solution quand nous les faisons ressortir. Quand il s’agit de modifier des habitudes bien ancrées dans notre organisation, entre autres dans la communication entre les services, le travail sera de plus longue haleine et il nous faut parfois choisir le moindre mal. C’est un sentiment que vous connaissez bien, je le sais : presque deux heures en assemblée générale pour discuter d’un nouveau calendrier le 18 septembre et nous avons choisi, collectivement, d’opter pour la solution offrant le compromis le plus acceptable pour la majorité. Personne n’est sorti enthousiaste de cette assemblée, mais toutes et tous espéraient avoir choisi le moins pire scénario avec tous les risques qu’il représente. 

Nous marchons toutes et tous sur un fil de fer en espérant garder le cap et ne pas nous tromper.

Pis toi, comment ça va ?

Je vais comme vous : fatiguée. J’ai la chance de voir mes étudiantes et étudiants du cours de Production théâtrale et ce contact me sauve, comme la formidable camaraderie qui règne au comité de coordination syndicale. Je serai honnête, j’ai peur de la suite du trimestre et des difficultés qui se dressent devant nous, même si j’ai confiance en notre capacité à les surmonter. 

Peur pour les effets qu’auront la crise sur le trimestre, bien entendu. Les cours venaient tout juste de prendre leur envol et nous arrivions à peine à sentir les effets des nombreuses réunions de résolution de problèmes quand l’annonce de la suspension de cours est arrivée. Décision nécessaire dans un contexte où les troupes étaient déjà épuisées et que la perspective du passage de l’enseignement en présence à l’enseignement à distance dans l’espace d’une fin de semaine ne pouvait être envisagée pour nombre d’entre nous. Décision qui a cependant matérialisé le retour de la pandémie. Nous ne l’attendions pas si tôt et, soudain, le travail réalisé pour favoriser les cours et les évaluations en présence paraissait bien dérisoire. Nous venons tout juste d’apprendre que la région, comme les arbres, tourne au orange et nous ignorons si notre calendrier pourrait se remettre d’un confinement généralisé si la situation ne se stabilise pas. 

Peur pour vous, pour nous, surtout. Peur de notre fatigue collective et peur que nous ne nous rendions pas toutes et tous à Noël. En assemblée, une membre soulignait avec justesse les impacts évidents de notre calendrier sans pause sur l’épuisement professionnel et sur les risques liés à notre santé globale. Ce discours sensible est nécessaire. Plusieurs membres ressentent déjà les effets indésirables reliés au télétravail et aux nombreuses heures passées devant l’écran. D’autres renoncent devant les difficultés posées par la gestion de classe devant un écran. Plus que jamais, il faut faire attention à nous et à nos collègues, et il faut que la Direction prenne ses responsabilités afin d’assurer de saines conditions de travail. 

Peur pour nos étudiantes et étudiants, enfin. Leur fatigue est égale à la nôtre et les conditions dans lesquelles ils suivent leurs cours sont souvent peu favorables à l’apprentissage. Entre le Zoom suivi sur un téléphone portable et l’impossibilité que les colocataires puissent utiliser simultanément Zoom en raison d’un réseau insuffisant, les écueils sont nombreux. Il faut les inciter à demander de l’aide psychologique ou matérielle (pour tout problème informatique - équipement, branchement, utilisation - ils doivent faire un appel de service) et espérer que les plus faibles ou les moins organisé(e)s ne se découragent pas devant ce trimestre agité.  

Les annexes S-119 et S-120 : un bouquet de promesses

En début de trimestre, nous apprenions l’existence de deux annexes budgétaires : 

  • l’annexe S-119 : 22 353 200 $ récurrents, pour permettre de réajuster les pratiques d’enseignement (3 volets : 1. Soutien aux établissements pour adapter la formation afin d’assurer la réussite des étudiants, développer de nouveaux parcours de formation et répondre aux besoins de main-d’oeuvre; 2. Soutien technique et pédagogique; 3. Soutien à l’organisation et à l’offre de services institutionnels en santé mentale;

  • l’annexe S-120 : 35 600 000 $ non-récurrents, pour soutenir l’enseignement aux étudiants en situation de crise sanitaire (3 volets : 1. Encadrement pédagogique des étudiants; 2. Bonification du soutien matériel offert à la communauté étudiante;  3. Bonification du soutien psychosocial offert à la communauté étudiante).

Dès août, nous avons questionné la Direction sur l’utilisation de ces annexes. Les échos des autres syndicats de notre fédération (la Fédération des enseignantes et des enseignants de cégep, FEC-CSQ) nous inquiétaient et semblaient pointer vers un consensus des différentes directions de collèges qui suivaient la ligne directrice de la Fédération des cégeps. Cette ligne est simple : investir la S-119 dans le FAB du FABRES, plutôt que dans le E1. L’utilisation de la S-120 semble, quant à elle, laissée à la discrétion des établissement afin de soutenir l’enseignement. 

Les fleurs...

Pour la S-120, nous n’avons pas eu à poser beaucoup de questions : nous étions invités dès le début septembre à une rencontre afin de trouver la meilleure façon d’investir une partie des fonds dans la masse salariale enseignante. Lorsqu’on lit l’annexe, on constate que le premier volet est spécifiquement consacré au soutien à l’enseignement dans un contexte de crise sanitaire. Le Collège de Rimouski disposant de 373 000 $ pour ce volet (cela inclut les trois composantes), nous étions pressés de connaître la somme qui nous serait allouée. La réponse est arrivée il y a quelques jours : le Collège a décidé d’allouer 458 000 $ en provenance de cette annexe aux enseignantes et enseignants du Cégep de Rimouski. Comment est-ce possible ? Le Collège a décidé de considérer l’ensemble de l’annexe plutôt que le volet 1 uniquement. Est-ce une bonne nouvelle? Absolument! Le comité de suivi sur les ressources, comité qui réunit des représentant(e)s du Collège et des représentant(e)s du Syndicat, se penchera sous peu sur les différentes façons d’investir ces ressources dans la masse. Nous vous en dirons davantage à l’assemblée générale du 20 octobre.

...et le pot

Pour la S-119, les nouvelles sont d’un autre ordre. Nous avons eu beau poser des questions à différentes instances, et le détail de son utilisation ne nous a été transmis que le vendredi 25 septembre. Nous avons su ce que beaucoup avaient déjà appris : cette annexe a été investie dans les allocations réservées aux activités pédagogiques (le A du FABRES) pour le maintien des services aux élèves et l’embauche d’un technopédagogue. Si la nouvelle ne nous a pas surpris, elle nous a néanmoins choqués, puisqu’il semble évident que cette décision a été prise il y a longtemps (nous avons un nouveau technopédagogue depuis la rentrée!). C’est donc dire que des sommes étaient disponibles en période estivale. Ces ressources auraient pu améliorer nos conditions de travail, et ce, dès la rentrée de l’automne si la Direction en avait décidé ainsi. Que le collège suive la ligne proposée par sa Fédération des cégeps n’étonne personne, mais le processus par lequel cette décision a été prise et les moyens pris pour nous l’annoncer restent pour nous incompréhensibles, comme la réaction de la Direction à la rentrée, qui n’a cessé de nous répéter que le gouvernement n’avait pas donné d’argent pour réduire le nombre d’élèves par groupe et pour reconnaître l’alourdissement de la préparation. Nous interviendrons en ce sens au cours des prochains jours et des prochaines semaines. 

Et maintenant?

Le travail se poursuit, bien entendu. Dans les prochaines semaine, le dossier de l’utilisation des annexes est prioritaire. Il faut procéder à différentes simulations pour pouvoir vous proposer des mesures qui nous soulageront collectivement. En fait, il faut savoir quelle somme est nécessaire pour faire une réelle différence dans la tâche des enseignantes et des enseignants. Nous vous présenterons tout cela en AG, le 20 octobre, pour que nous puissions prendre ensemble des décisions éclairées.

Nous restons également à l’affût des premiers signes de préparation du trimestre d’hiver 2021 (oui, il existe aussi, celui-là) pour éviter que les problèmes rencontrés en août ne se reproduisent et pour nous assurer que le personnel enseignant soit consulté à chaque étape de la planification.

Plus que tout, nous continuons à défendre vos droits et à vous représenter. N’hésitez pas à nous contacter (il n’y a pas de petit problème) pour toute situation ou interrogation.

Ah! J’oubliais…. Nous sommes aussi en négociations. Il faudra tôt ou tard prendre position et sortir pour défendre nos revendications pour de meilleures conditions de travail pour l’ensemble de nos membres. 

L’automne ne fait que commencer...

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Note

  1. FABRES : le mode de financement des cégeps. Fixe, Activités pédagogiques, Bâtiments, Recherche et Régions, Enseignement et Spécifiques. Notre masse salariale, c’est l’enveloppe du E, une enveloppe autonome dans laquelle on peut ajouter de l’argent, notamment par les annexes du S, mais pas en retirer (dieu merci!).