Les textes des gagnantes de la bourse Germaine-Santerre

Catherine Paradis, représentante du SEECR au Comité du 8 mars

Avec la bourse Germaine-Santerre, le Comité du 8 mars, composé de représentantes de tous les syndicats du Collège de Rimouski, souligne chaque année les efforts anonymes et silencieux d’étudiantes qui, malgré des conditions défavorables, savent se montrer fortes et déterminées dans la poursuite de leurs études et la prise en charge de leur avenir. 

Les membres du comité tiennent d’abord à féliciter toutes les étudiantes qui ont soumis leur candidature. Chacune devait présenter sa situation personnelle et rédiger un texte sur le thème de la Journée internationale des droits des femmes, ÉCOUTONS LES FEMMES. Voici les textes des deux gagnantes, qui recevront chacune une bourse de 500 $ lors du Gala de la réussite (au cégep) ou au Gala méritas (à l’IMQ). Cette année, vous pouvez également écouter et voir les gagnantes lire leur texte : les capsules vidéos seront diffusées sur les réseaux sociaux.

 


Le parfum des moteurs

Lisa-Marie Audet-Prince, étudiante en Technologie de l’architecture navale à l’IMQ

On a souvent l’impression que le féminisme est dépassé puisque juridiquement, les femmes et les hommes sont égaux. Toutefois, les statistiques sur la précarité économique, l’accès aux postes de pouvoir et la violence démontrent que les femmes, en général, ne sont jamais en situation avantageuse. Les femmes racisées le sont encore moins. Comment expliquer cela? Certains diront que c’est en raison de notre « nature » ou de nos choix personnels. Mais la parole des femmes révèle que ces inégalités trouvent leurs origines dans nos structures sociales, dans notre statut de « privilégié » et de la culture qui en découle. On comprend que les métiers associés aux soins sont fondamentaux, mais dévalorisés. On réalise que la socialisation des hommes les mène à occuper des emplois mieux rémunérés et à négocier leur salaire à la hausse. Elle expose que la parole des femmes n’est pas aussi légitime (justice épistémique), etc. Par exemple, la perception d’une femme qui s’affirme en milieu de travail est négative, on l’étiquettera comme « caractérielle ». Alors qu’un homme sera perçu comme un bon « leader ». Les conséquences qui en découlent sont que la première sera freinée dans son développement professionnel (moindre salaire), alors que l’autre accèdera plus facilement à des projets faisant évoluer sa carrière (accroissement salarial). En prenant conscience des biais auxquels notre culture nous expose, émerge la possibilité de s’affranchir de réflexes cognitifs qui entraînent des comportements engendrant des inégalités et des souffrances. Cette prise de conscience peut se faire de façon autonome, mais se trouve grandement facilitée en écoutant les discours des femmes. Ce faisant, les identités se développeront plus librement : sans la pression de performer les attributs idéalisés par un groupe dominant. Ainsi, les femmes comme moi, qui préfèrent l’odeur des moteurs à celle des fleurs, pourront poursuivre leur voie en toute sérénité.

 


 Écoutons les Femmes

Bergette Romain, étudiante en Techniques d’éducation spécialisée au Cégep de Rimouski 

Dans ma culture d’origine, on aime définir la femme avec ce terme : « fanm poto mitan », en français, femme pilier. Je me suis souvent interrogée sur son origine. Il m’a fallu attendre le 24 décembre 2018 pour le comprendre. En effet, cette date est celle de la mort de ma mère. Et oui. Souvent, il faut les avoir perdus pour nous rendre compte de la valeur de nos êtres chers. De ce que je retiens d’elle, ma mère était la dernière d’une fratrie de trois enfants, un père volage, une mère atteinte de maladie mentale. Elle a arrêté très jeune l’école, alors qu’elle était bonne élève. Elle était une autodidacte de la couture, dont elle avait fait son métier. Elle n’avait pas le choix, étant fille-mère à l’âge de 16 ans, abandonnée par le père. Elle était une grande romantique, croyait en l’amour, en l’être humain. La famille était très importante pour elle. Sa plus grande fierté, c’était ses 8 enfants, ses 29 petits, et 4 arrière-petits-enfants.

Grâce à ses revenus de couturière, elle a permis à ses enfants d’être scolarisés dans le privé. Compte tenu de ses conditions matérielles difficiles, elle a appris à être une bonne gestionnaire. 

En tant que mamie, elle était cette oreille attentive, et celle auprès de laquelle on aimait prendre conseil. 

En tant qu’épouse, elle est restée fidèle à son engagement, en dépit des difficultés.

En tant que citoyenne, elle a toujours accompli ses obligations.

Dans sa profession de couturière, elle savait sublimer et mettre en valeur la femme, quelle que soit la taille. Ses clientes avaient plaisir à la solliciter, car elles partaient toujours satisfaites. De plus, grâce à l’attention particulière qu’elle accordait à chacune, elles repartaient toujours avec le sourire.

Aussi loin que je me souvienne, je n’ai jamais entendu ma mère se plaindre.

Aujourd’hui elle n’est plus avec nous physiquement, mais elle a laissé à tous ceux qui ont croisé sa route un héritage inoubliable.

Pour moi aujourd’hui, « Fanm poto mitan », ce sont toutes ces femmes qui en dépit des difficultés qu’elles rencontrent savent faire preuve de résilience, et font des épreuves de leur vie, une force, pour elles-mêmes, leur famille, et la société.

Alors écoutons les femmes, dans leurs paroles, dans leur silence. Et tirons des leçons de leurs actions.