Négo : avancer par en arrière

Philippe De Carufel, responsable de la coordination et des pratiques syndicales

 

« Nom de Zeus, Marty, nous sommes revenus en décembre dernier ! »

-Dr Emmett Brown, prenant connaissance du récent dépôt patronal

 

Peut-être nous trouvez-vous relativement silencieux ces derniers temps par rapport aux négociations, autant celles qui ont lieu à la table centrale qu’à la table sectorielle. « Pourtant, que vous vous dites, me semble que j’ai entendu entre les branches que le gouvernement envisageait de régler ça avant l’été, non ? Comment ça don, on en sait pas plus ?! »

Pas tant non, pas tant. Concrètement, malgré le printemps qui se pointe timidement le bout du nez, nous ne sommes pas plus avancés qu’au début de l’hiver. À la différence près que nos conventions sont maintenant échues, qu’il y a un jeu de chaises musicales chez nos interlocuteurs patronaux qui nous force à rembobiner la cassette de nos demandes et que la réponse que nous avions reçue avant de partir pour le congé des fêtes et qui n’abordait aucune de nos préoccupations est maintenant un petit peu plus explicite.

Parce que l’été approche et que j’ai hâte aux vacances, je vais utiliser la métaphore suivante : c’t’un peu comme faire du canot avec le vent dans la face, vous trouvez pas ?

Le refrain patronal demeure le même que celui entendu en décembre : la formation à distance gagnerait à être mise de l’avant et il faut 1) faire éclater le modèle d’enseignement pour répondre aux besoins diversifiés des étudiant.es, 2) emboîter le pas à la transition numérique en intégrant davantage le mode asynchrone et 3) attaquer la pénurie de main-d’œuvre avec une série de mesures contraignantes et intrusives comme une nouvelle gestion de l’invalidité et des congés de maladie ou refuser des PVRTT dans certains domaines.

Bref, on se retrouve devant un dépôt patronal qui vient essentiellement préciser celui de décembre. Et comme ce dernier a été rejeté à l’unanimité par l’ensemble des cégeps du Québec, vous ne serez pas surpris d’apprendre que la version dite « bonifiée » fût accueillie plutôt froidement lors de la dernière rencontre de l’Alliance des professeures et des professeurs de cégep (ASPPC). Pourtant, les demandes de l’ASPPC, qui furent pourtant bien exposées aux représentantes patronales depuis janvier dans l’objectif d’accélérer le processus, n’y trouvent presque aucun écho.

Force est de constater que l’objectif d’arriver à un règlement d’ici le 30 juin relève d’une stratégie médiatique visant à faire porter aux syndicats le fardeau de l’échec : lorsque les actions de mobilisation s’intensifieront et que nous parlerons de grève, il y a fort à parier que le gouvernement nous fera porter le blâme en agitant sa « volonté de négocier rapidement » comme un drapeau blanc. Alors que dans les faits, les discussions aux différentes tables font du surplace, tandis que les représentants.es de la partie patronale semblent avoir comme mot d’ordre de ne pas trop s’avancer sur quoique ce soit. Les mandats sont inexistants, les réponses à nos demandes sont toujours à recevoir et l’écoute est malhabile. 

Alors, chères et chers collègues, armons-nous de patience et préparons-nous pour un automne chaud.