365 jours d’action

Caroline Laberge et Catherine Paradis, membres du comité féministe du SEECR

Avouons-le d’emblée : lorsque nous avons commencé à nous impliquer au sein du comité féministe du SEECR, nous n’étions pas particulièrement emballées par l’organisation d’activités pour souligner les 12 jours d’action contre les violences faites aux femmes. Nous avions de la difficulté à comprendre l’intérêt et l’impact de ces actions qui s’échelonnent sur près de deux semaines. Pourquoi ne pas faire des activités mettant les femmes en lumière, plutôt que de parler de leur sombre réalité ? En fait, nous n’avions rien compris. 

Au cours des derniers mois que nous avons traversés, des mois de pandémie et de confinement, les violences de toutes sortes se sont exacerbées. Ces 12 jours d’action sont devenus pour nous 12 jours d’introspection et de rétrospection. Nous avons pensé à nos consœurs victimes de violences conjugales, emprisonnées chez elles avec leur agresseur. Nous avons pensé au silence inquiétant alors que nous ne communiquions avec le monde extérieur qu’à travers notre écran. Les risques et les obstacles, toujours présents, étaient encore plus grands qu’à l’habitude.

Le thème de la campagne des 12 jours d’action de cette année était d’ailleurs Déconfinons la conversation autour des violences genrées ! « Nous le constatons amèrement depuis près de deux ans, les violences se sont aggravées, intensifiées et transformées. […] Les impacts de ces violences systémiques se font sentir chez toutes les femmes, mais notamment chez les femmes autochtones, chez les travailleuses de la santé, chez les femmes que la société ‘‘racise’’, chez les femmes immigrantes, chez les personnes LGBTQ+, chez les femmes en situation de handicap, chez les femmes confinées, celles vivant avec des enjeux de santé mentale, les femmes incarcérées ou judiciarisées, les femmes sans statut, les travailleuses du sexe et chez les femmes en situation d’itinérance », peut-on lire sur le site du Comité 12 jours, coordonné par la Fédération des Femmes du Québec (FFQ).

Cette liste, quoiqu’impressionnante, est pourtant loin d’être exhaustive. On pourrait y ajouter les femmes qui, prises dans le cycle de la violence conjugale, ont peur que leur conjoint les tue, elles et leurs enfants, si elles osent en sortir, celles qui tentent de se faire entendre par le système de justice à la suite de violences à caractère sexuel, celles qui n’osent pas dénoncer les violences qu’elles ont subies ou qu’elles subissent encore, celles que le système de santé méprise, celles que le système politique et sa machine administrative refusent d’écouter, celles qui occupent des emplois dits « féminins » et qui se donnent sans compter au nom de la « vocation » pour un salaire qui ne reconnaît ni leurs compétences ni leur niveau de responsabilité, celles qui croulent sous la charge mentale, celles qui étouffent dans ce qu’on appelle la féminité, celles qui ragent et qu’on traite d’hystériques — et toutes les autres. 

La violence faite aux femmes, ce n’est pas seulement un jeune homme qui ouvre le feu sur des étudiantes en disant : « Vous êtes des femmes, vous allez devenir des ingénieures. Vous êtes toutes un tas de féministes, je hais les féministes », comme l’a fait Lépine il y a 32 ans. Ce n’est pas seulement les 17 féminicides qui ont eu lieu au Québec en 2021, la plupart de ces femmes ayant été tuées par leur conjoint ou leur ex-conjoint, des hommes qui les « aimaient ». Mais c’est aussi ça. 

 

Entre le 25 novembre et le 6 décembre, vous avez peut-être vu les affiches sur les violences genrées à l’entrée principale. Si vous suivez les réseaux sociaux du Collège, vous avez peut-être aperçu la campagne de sensibilisation qui s’est échelonnée sur ces 12 jours. Le 30 novembre, devant la cafétéria, vous avez peut-être aperçu des intervenantes du CALACS, de La Débrouille, du Centre-Femmes de Rimouski et du Service d’aide psychosociale du cégep en conversation avec des étudiantes et des étudiants. Vous avez peut-être participé à la séance photos de type photobooth qui visait à sensibiliser la communauté collégiale à la dénonciation des violences faites aux femmes. 

Le 6 décembre, en signe de mobilisation et de solidarité, pour que plus aucune femme ne subisse de violence, vous avez peut-être porté un ruban blanc. Ce soir-là, une veillée à la bougie commémorant le féminicide de Polytechnique, organisée en collaboration avec le CALACS, la Débrouille, le Centre-Femmes de Rimouski et le comité féministe de l’UQAR, devait avoir lieu dans le parc du cégep. Malheureusement, les conditions météorologiques nous ont forcées à annuler l’événement. 

Ces actions organisées par le comité féministe du SEECR ne changeront sans doute pas le monde. Les violences envers les femmes sont millénaires et systémiques, et changer un système millénaire, c’est long, d’autant plus que le chemin est jonché d’obstacles. Mais si ces actions permettent effectivement de « déconfiner » la conversation autour des violences faites aux femmes, si elles permettent au moins de comprendre qu’on ne devrait pas dire LA violence, mais LES violences, puisque les formes que prend cette violence prend sont multiples, complexes et souvent sournoises, alors oui, ces actions changent un peu le monde.

Si ces actions vous permettent de réaliser que VOS GESTES et VOS MOTS ont le pouvoir de changer des individus et un système qui violentent, fragilisent, voire tuent des femmes, qu’ils ont le pouvoir de sauver des filles et des femmes qui sont coincées dans ce système ou qui sont sous l’emprise de ces individus, alors oui, 12 jours d’action, ça vaut la peine. Mais 365 jours d’action, ce serait mieux.