Coup de cœur féministe

Aimée Lévesque, enseignante d’anglais

Les couilles sur la table, balado animé par Victoire Tuaillon, Binge Audio (France)

Balado féministe incontournable, Les couilles sur la table fait entendre depuis 2017 la parole de chercheureuses, d’auteurices et d’autres expert.es sur ce qui construit les masculinités contemporaines — et, en négatif, la condition des femmes et des autres minorités de genre. Dans chaque épisode, la journaliste française Victoire Tuaillon mène habilement des entretiens où l’on peut suivre autant ses étonnements que ses réflexions critiques informées. Les deux derniers épisodes se penchent sur notre association, en tant que locuteurices du français, entre masculin et neutre, du point de vue sociétal et historique ainsi que de celui de la psychologie.

Épisode no 77 : « Masculin neutre : écriture exclusive (2/2) »

« Ce n’est pas la langue qui est misogyne, c’est nous qui sommes misogynes » : la professeuse (oui oui !) et historienne féministe française Éliane Viennot dresse dans cet épisode un panorama historique, depuis le XIIe siècle en passant par la Renaissance et la création de l’Académie française, de la façon dont une élite masculine française plus intéressée par la conservation de son statut social qu’informée du fonctionnement et de l’histoire de la langue a pu condamner certaines formes et règles langagières plus égalitaires ayantes (oui oui !) déjà existé en français, comme les noms de métiers en — esse (philosophesse, jugesse) ou en -trice, l’accord de proximité du participe passé, l’accord du participe présent, des pronoms neutres tels que el, etc.

Le dernier livre d’Éliane Viennot, Non, le masculin ne l’emporte pas sur le féminin ! : petite histoire des résistances de la langue française (2015), sera bientôt disponible à la bibliothèque Gilles-Vigneault.

Épisode no 76 : « Masculin neutre : écriture exclusive (1/2) »

Le cerveau pense-t-il au masculin ? C’est le titre d’un ouvrage récent (2021) des psycholinguistes suisses Sandrine Zufferey, Pascal Gygax et Ute Gabriel, question à laquelle les deux premièr.es tentent de répondre dans cet épisode. Bien que nous ne soyons pas « enfermé.es dans un cadre de pensée à cause de [notre] langue maternelle, […] le langage influence notre manière de penser » (Sandrine Zufferey) en « attir[ant] notre attention sur des propriétés du monde qui ne sont pas forcément pertinentes » (Pascal Gygax), puisque la langue doit bien tracer quelque part des frontières plus ou moins arbitraires entre des catégories pour permettre la communication. Diverses expériences de psycholinguistique montrent comment des structures et usages du français (l’emploi du masculin pluriel pour désigner un groupe de personnes de différents genres, l’emploi de certains adjectifs et noms pour désigner des femmes mais pas des hommes ou vice-versa, etc.) peuvent contribuer à nourrir des stéréotypes et, ainsi, à réduire le champ d’action des individu.es et à les discriminer. Des solutions pour neutraliser la langue, à l’oral comme à l’écrit, sont présentées : doublets, formes compactes comme auditeurices, noms épicènes comme élèves, adressage direct à la deuxième personne du pluriel, point médian, etc.

Le livre de Gabriel, Zufferey et Gygax sera bientôt disponible à la bibliothèque Gilles-Vigneault.

Bonus : L’épisode no 75, « Mâle alpha, gros bêta ? », avec le primatologue Frans de Waal, déconstruit certaines idées reçues sur la violence et la domination masculines et leur inévitabilité supposée par celleux qui croient que, pour nous, primates qui partageons une grande part de notre patrimoine génétique avec les bonobos et les chimpanzés, ce serait « la loi de la jungle », que les « mâles alpha » agiraient ainsi depuis toujours, etc. Frans de Waal a publié l’essai Différents : le genre vu par un primatologue en 2022.

Disponible sur le site de Binge Audio (https://www.binge.audio/podcast/les-couilles-sur-la-table) et sur plusieurs plateformes de balados