Résumé du mémoire de la CSQ sur le projet de loi no 89

Hugo Boulanger, responsable des communications, de la mobilisation et de la gestion interne

 

Le projet de loi 89, déposé en février dernier par le ministre du Travail Jean Boulet, vise à limiter le droit de grève de différentes façons, le tout pour le « bien de la population » - comme si les syndiqués ne faisaient pas partie de la population et ne choisissaient pas d'exercer leur droit de grève pour leur propre bien! Les centrales syndicales s'organisent et dénoncent cette attaque à notre droit constitutionnel. Vous trouverez ici un résumé de la position de la CSQ sur la question.

Position générale

La Centrale des syndicats du Québec (CSQ) s’oppose fermement au Projet de loi no 89 (PL 89), le qualifiant d’inutile, nuisible et inconstitutionnel. Ce projet de loi, déposé en février 2025, vise à imposer des services minimaux lors de conflits de travail afin de tenir compte du « bien-être de la population ». La CSQ y voit une attaque frontale contre le droit de grève, un droit constitutionnel reconnu.

Contexte social et économique

Le mémoire évoque le contexte international et local pour dénoncer un climat de dérive autoritaire envers les droits syndicaux (notamment aux États-Unis) et une montée des tensions dans le monde du travail. Au Québec, les récentes grèves (Front commun, FAE, Cimetière Notre-Dame-des-Neiges) ont été citées par le ministre du Travail pour justifier le projet. Or, la CSQ soutient qu’il s’agit de situations exceptionnelles et conjoncturelles, liées à la pénurie de main-d’œuvre et à l’inflation, et non à des lacunes dans le cadre législatif existant.

Critique du fond du projet de loi

1. Une atteinte injustifiée au droit de grève

Le PL 89 propose d'imposer des services minimaux non pas uniquement pour la santé ou la sécurité (critères actuels des services essentiels), mais aussi pour éviter des atteintes au « bien-être économique, social ou environnemental ». Pour la CSQ, ces notions sont trop vagues, subjectives et non conformes au droit international, qui restreint le droit de grève uniquement dans trois cas précis : sécurité nationale, services essentiels au sens strict, ou situation d’urgence grave.

2. Un déséquilibre dans le rapport de force

Le droit de grève constitue le seul levier véritable des travailleurs dans les négociations collectives. En restreignant ce droit par des concepts flous, le projet de loi déséquilibre la relation employeur-employés au profit des premiers, et ce, même dans les secteurs publics où les conventions collectives sont en vigueur.

3. Une alternative existante ignorée

Le Code du travail québécois prévoit déjà un mécanisme pour assurer les services essentiels lorsque requis. La CSQ s’interroge donc sur la nécessité de créer un nouveau régime législatif redondant et potentiellement inconstitutionnel.

Arguments juridiques

Le mémoire cite abondamment la jurisprudence, notamment la décision Saskatchewan Federation of Labour c. Saskatchewan (2015), qui consacre le droit de grève comme composante essentielle de la liberté d’association. Toute limitation à ce droit doit donc être minimale, justifiée et encadrée — ce que le PL 89 ne respecte pas selon la CSQ.

Incohérences gouvernementales

La CSQ critique le gouvernement pour adopter une posture répressive face aux grèves, tout en restant passif devant les coupures budgétaires, le sous-financement chronique des services publics et les impacts concrets sur les personnes vulnérables. Les exemples incluent les compressions en santé, en éducation, le manque de personnel et les décisions controversées sur le plan environnemental (ex. Northvolt, Fonderie Horne).

Conclusion et recommandations

La CSQ demande le retrait pur et simple du PL 89, appelle à un dialogue social via le Comité consultatif du travail et de la main-d’œuvre (CCTM) et envisage des contestations juridiques si le projet est adopté. Elle insiste sur l’importance de préserver un équilibre démocratique et de respecter les droits fondamentaux reconnus par les chartes et la Cour suprême.

Référence: Projet de loi n°89: un projet de loi inutile, nuisible et inconstitutionnel. Mémoire présenté au ministère du Travail dans le cadre des consultations sur le projet de loi n°89 - Loi visant à considérer davantage les besoins de la population en cas de grève ou de lock-out. Centrale des syndicats du Québec (CSQ). Mars 2025.